15/09/2018
GFME, lettre de l'ARTC 12/20
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La lettre de l'ARTC, décembre 2011

Une nouvelle chercheuse, Emmanuelle HUILLARD, rejoint le laboratoire de neuro-oncologie à l'ICM (Institut du Cerveau et de la Moelle épinière)

 

Emmanuelle Huillard


Quel est votre parcours?
Avec une formation en biologie du développement et cancérologie, j'ai obtenu ma thèse de sciences en 2003 à l'Université Paris Xl. J'ai effectué une formation postdoctorale aux États-Unis, dans le laboratoire du Pr David Rowitch, au Dana-Farber Cancer Institute à Boston, puis à l'université de Californie à San Francisco.

Quel est le sujet de vos recherches?
Comment avez-vous été amenée à travailler sur ce sujet? Quelles en sont les perspectives?
Je m'intéresse à l'étude des mécanismes moléculaires et cellulaires qui interviennent dans la formation des gliomes de haut grade, et ceci d'un point de vue de biologiste du développement. Nous savons en effet que de nombreux gènes impliqués dans le cancer d'un tissu donné sont également importants dans la formation de ce tissu, au cours de l'embryogenèse. De ce fait, comprendre le rôle d'un gène au cours de l'embryogenèse permet de mieux comprendre son rôle dans le processus tumoral. Au cours de ma thèse, j'ai étudié la fonction de facteurs clés du développement du système nerveux central, de l'oeil et du cerveau en particulier. Au cours de mon stage postdoctoral, qui a débuté en 2004, j'ai commencé à m'intéresser aux tumeurs gliales. Mes travaux ont notamment montré que les facteurs Olig1 et Olig2, qui sont des régulateurs essentiels du développement des cellules gliales du cerveau, ont un rôle causal dans la formation des gliomes de haut grade, dans un modèle expérimental chez l'animal. Ce travail a ouvert un champ de recherches visant à trouver des molécules qui pourraient bloquer l'action de ces facteurs.


Neurosphères

Neurosphère de gliome



Qu'est-ce qui vous a conduite à faire ce choix de postdoctorat aux USA? Quels en ont été les aspects positifs?

Il existe de très bonnes équipes de recherche fondamentale sur les gliomes aux États-Unis. Il était donc naturel que je sois intéressée à y poursuivre ma formation. Cette expérience s'est révélée très enrichissante à plusieurs niveaux. Au laboratoire, j'ai été confrontée à une culture de travail différente, dans un rythme soutenu mais convivial. J'ai interagi et collaboré avec les spécialistes de mon domaine de recherche et les plus grands noms de la recherche en neurobiologie et neuro-oncologie. J'ai tissé un réseau de collaborateurs avec lesquels je continue à travailler. Ensuite, à un niveau plus personnel, cette expérience m'a permis, en plus de perfectionner la langue anglaise, de découvrir le mode de vie nord-américain, ainsi que les richesses géographiques, culturelles, et même culinaires (I) des États-Unis.

Vous avez intégré le centre de recherche de l'ICM. Que vous apporte cet institut ? En quoi ce travail serait-il différent si vous ne l'aviez pas intégré ?

En juin dernier, j'ai rejoint l'équipe du Pr Jean-Yves Delattre à l'Institut du Cerveau et de la Moelle épinière. Ceci a été possible grâce au généreux soutien de l'ARTC, que je remercie vivement. Récemment, j'ai obtenu un financement du CNRS et de l'INSERM (financement ATIP­AVENIR), qui me permettra de constituer, dès janvier 2012, un groupe de recherche dédié à la recherche fondamentale sur les glioblastomes. Le choix de l'ICM s'est fait selon plusieurs critères. Premièrement, l'institut est situé au cœur de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, qui est un des meilleurs centres pour la recherche biomédicale et la formation des médecins. C'est aussi le berceau de la neurologie. Ensuite, l'ICM est un institut dédié à la recherche sur le cerveau. Il regroupe dans un même bâtiment des équipes de recherche fondamentale, translation­nelle et clinique, une pépinière d'entreprises, des plateformes technologiques, le tout dans un esprit de collaboration et dans un environnement international. je peux ainsi bénéficier d'échanges d'idées et de technologies avec des équipes spécialisées dans différentes pathologies du système nerveux central, telles que la sclérose en plaques ou la maladie de Parkinson. Enfin, la proximité avec l'équipe du Pr Delattre fut un élément déterminant dans mon choix de rejoindre l'ICM. L'équipe est experte dans l'analyse génomique des gliomes et la recherche de bio marqueurs et de nouvelles thérapies innovantes. Nos compétences sont donc très complémentaires. Ceci représente pour moi une opportunité unique de mener mes recherches fondamentales, en collaboration étroite avec des cliniciens.

Pouvez-vous nous parler de vos recherches actuelles?

Les glioblastomes sont très hétérogènes, chaque tumeur ayant sa propre « carte d'identité » génétique. Cette hétérogénéité génétique fait que les tumeurs ne répondent pas toutes de la même manière aux traitements conventionnels. Le besoin de thérapie individuelle, personnalisée, est donc crucial pour le traitement de ces tumeurs. Je suis en train de développer un projet de recherche qui vise à comprendre comment la présence de certaines altérations génétiques dans les cellules de glioblastome influence la fonction de facteurs clés du développement tumoral. Par exemple, certains facteurs semblent jouer un rôle stimulateur ou inhibiteur de tumeur en fonction du système cellulaire étudié. C'est le cas du facteur Id4. Nous nous intéressons à la fonction de ce facteur dans différents contextes génétiques. Pour cela, nous utilisons des approches expérimentales chez la souris et dans des échantillons de glioblastome en collaboration avec l'équipe du Pr Delattre. Par ailleurs, nous poursuivons l’étude de ce facteur dans le fonctionnement normal du cerveau.

 

Id4

Cellules en division en rouge

Un autre projet en cours vise à comprendre comment les glioblastomes naissent et se développent. Nous mettons en place des modèles expérimentaux chez la souris, dans lesquels il est passible d'induire la formation de tumeurs, à un moment précis et dans des cellules précises, et en modulant l'expression de certains gènes clés. Ces modèles nous permettent ainsi de récapituler, afin de mieux les comprendre, les différentes étapes de la formation des glioblastomes.

Une esthéticienne pour le bien-être des patients

 

Isabelle Nicolas


Isabelle NICOLA est esthéticienne à domicile depuis 30 ans et travaille dans le service de neuro-oncologie de La Salpêt.

Pour quelle raison le service de neurologie vous a-t-il recrutée?
Les patients sont bien pris en charge sur le plan médical mais leur moral n'est pas toujours au mieux. Le professeur Delattre et son équipe en sont bien conscients et l'idée de faire intervenir une esthéticienne et une coiffeuse pour des soins de beauté est apparue évidente. C'est le psychomotricien du service de neurologie qui m'a contactée. Je lui ai parlé de mon approche et de mon savoir-faire, de mon tempérament aussi. Il m’a décrit les besoins du service et nous nous sommes rapidement rencontrés pour mettre en place un travail d’équipe.

Qu’est-ce qui vous a intéressée dans ce travail ?
Je suis esthéticienne indépendante depuis 28 ans. J’ai longtemps travaillé auprès d'un médecin dermo-esthétique. Plus récemment, j'ai accompagné pendant six mois un ami atteint de tumeurs à la colonne vertébrale et j'ai suivi au quotidien ma mère atteinte d'un cancer. J'ai constaté à quel point des soins appropriés avaient pu les soulager et leur apporter du réconfort. Ces expériences auprès de personnes fragilisées par la maladie m'ont fait prendre conscience d'un besoin fort auquel je pouvais répondre.

Comment les patients savent-ils qu'ils peuvent vous solliciter ?
Des affichettes apposées dans les chambres et le couloir du service par le personnel soignant informent les patients et leurs proches. Ils savent que j'interviens le jeudi après-midi tous les quinze jours. Ce service est totalement gratuit car il est pris en charge par l'ARTC. Le bouche à oreille fonctionne aussi beaucoup. J’interviens auprès de patients qui l'ont souhaité et c'est le psychomotricien qui fait le lien et établit le planning. L'exercice de votre métier dans ce service est- il différent de votre pratique habituelle ? L'objectif est le même : entretenir son visage et son corps, l'embellir pour se sentir mieux, retrouver une image de soi. Seuls le lieu et le contexte sont différents. J'arrive en avance pour me préparer à donner le meilleur de moi-même dans les meilleures conditions. Puis le psychomotricien m'accompagne dans la chambre du patient. Je rencontre la famille qui peut être présente pendant le soin mais le plus souvent c'est l'occasion pour elle de sortir de la chambre. La durée moyenne d'un soin est de trente minutes mais je m'adapte bien sûr aux besoins et aux envies du patient.

Quels sont les soins proposés ?

Je fais par exemple la beauté des mains et des pieds », c'est-à-dire la taille des ongles, l'application de vernis et de crème nourrissante. Il y a aussi des épilations du visage et du corps par l'application de cire tiède jetable. Quel que soit le soin prodigué, c'est avant tout un moment privilégié de contact avec la personne où mon écoute et mes gestes apportent un instant de détente durant lequel j'espère l'éloigner un peu de sa maladie. Quand je suis dans la chambre, l'atmosphère change, j'essaie de créer une ambiance amicale et généreuse, je modifie un peu les lieux, j'aère, j'adapte l'éclairage... Je fais au mieux pour que la relation soit chaleureuse et, en position d'écoute, je réalise le soin qu'ils souhaitent. Ma présence apporte la vie de l'extérieur, le soleil, la bonne humeur, la sortie...Tout en pratiquant ces soins d'hygiène et de beauté qui les détendent, je prends le temps qu'il faut et, grâce à ce plaisir, ils quittent leur statut de malade pour redevenir eux- mêmes, reprendre goût à la vie en retrouvant leur image d'avant. Ils me demandent souvent de revenir les voir même simplement pour me dire bonjour. Ce sont des petits bonheurs.

Que vous apporte ce travail ?

Ce travail demande un investissement physique et mental énorme et même si j'en sors parfois épuisée, je suis heureuse de chaque journée accomplie.
Faire équipe avec le corps médical, contribuer à mettre le patient sur le chemin de la guérison ou du mieux-être pendant la maladie, donne un nouveau sens à mon travail et c'est une aventure humaine extraordinaire. Je participe aux réunions d'équipe autour du Pr Delattre et j'intégrerai bientôt le groupe de paroles. Connaître les personnes du service et être connue d'elles facilitent ma tâche. Pour ce travail, j'ai adopté une tenue de ville simple et neutre : pantalon noir et t-shirt blanc.
A présent, dans le service, on me reconnaît pour ce que je suis : l'esthéticienne.

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