05/01/2021 GFME, témoignages |
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Le témoignage de Claudine, maman de Bastien, page 3 |
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PAGE 3 Suite et fin du récit Février 2011 Nous sommes en février 2011 ; l’amandier est en fleur ; sous ses branches il y a ta voiture. Je te montre les fleurs ou plutôt te les fais sentir, tu dis : « viens on va faire un tour dans l’arbre » ; je vais chercher les clés et Marcel, Alain, toi et moi, montons dans la voiture et on rit en inventant l’océan, les cocotiers et les belles plages. Bora, Bora. Nous faisons encore des bons repas ; la fête des filles avec déco assortie. Le repas de la Saint Valentin, de Mardi Gras, des grand mères, de l’anniversaire à Yannis ; tu lui chantes « joyeux anniversaire ». Nous sommes troublés, émus. Tu dis à Alain, « il faut beaucoup travailler, étape par étape ». Une autre fois il te demande de quel signe es-tu ? « Cancer », réponds tu ; cela jette un froid. Luis, Emilie continuent de venir. « Tu veux te réveiller ou te rendormir ? », te demande ton père. « Non, je marmotte. Je fais le marmot ». Les vagues du tsunami vont et viennent. Un jour tu danses, le lendemain tu dors. Quand je te lève, je sens ton souffle dans mon cou. Tu me fais des bisous ; un jour tu cherches mon pendentif et effleure ma peau, ta main est douce comme de la plume d’ange. A quoi tu penses Bastien ? « A faire bien », réponds –tu. Trois semaines plus tard tu dis : « Je ne vais pas bien ». -Tu es triste ? -Non fatigué 21 février, cela fait 35 ans que j’ai rencontré ton père et nous sommes entrain de te perdre. Nuka la chienne labrador de 40 kilos et Michka la chatte de 11 ans ne te quittent pas ; elles sont sur ton lit toute la matinée : la première te lèche des heures entières, la deuxième est sur toi et ronronne. « Les souvenirs sont une présence invisible »Victor Hugo. Les goûters se suivent et ne se ressemblent pas, on pousse. Francine amène un flan, demain ce sera quelqu’un d’autre ; rien n’est formellement organisé mais il ya toujours un roulement de gens auprès de nous. Merci à vous. Avril 2011 La température revient, tu as des mycoses dans la bouche : Oh c’est rien ! Tu cherches les choses en tâtonnant, nous sommes en avril. Tu es désorienté et bientôt tu vas sursauter devant tous les bruits. Nous redoublons de calme, de silence, d’attention. Le tsunami fait des vagues plus ou moins hautes, changeantes en quelques secondes : t’es fatigué et la minute après on met un cd et tu danses avec tes mains : cela nous requinque pour un temps. Tu es magnifique ! L’infirmière te demande ton âge : « 25 ans » tu as fait des études ? : 5 ans. Tu vomis de plus en plus ; tu es devenu aussi encoprétique. Rien ne me dérange ; je te soigne c’est tout, j’irai jusqu’au bout. 14 avril : « Comment vas-tu ? » -« Demande-le à Bastien » me réponds tu. Ou encore : doucement : « Je ne me sens pas en forme ». Dans l’ambulance le 20 avril, tu tiens ma main, et y dépose un bisou. Le traitement continue ; je vois bien que tu es le plus fatigué de tous, je vois aussi les regards ; les patients qui préfèrent aller dans une autre chambre plutôt que de rester avec nous. Maintenant nous y allons à deux, pour t’installer confortablement, te soutenir, permettre à l’autre de respirer et faire le plein d’oxygène pour mieux t’entourer. Le joyeux anniversaire que tu chantes à ton père est plein d’une voix plus lointaine mais on comprend que tu veux trinquer ! Le soir de Pâques je te chante des chansons et tu t’endors. Tout le monde pleure autour de Lisa la psychologue ; cela doit être difficile pour elle aussi. Pardon. Laé apporte un nez de clown et cela nous fait rire. Tu te le mets aussi, il est agréable au toucher. Mai 2011 Voici le joli mois de Mai. Ton dernier. Je voudrais que tu sois parmi nous pour votre anniversaire. L’an passé nous avons été, endimanchés, à pied pour certains prendre l’apéritif au château Saint Martin. Tu avais ta chemise blanche, ton bracelet, la bague de fiançailles ; très bling bling comme tu aimes. Lundi 2 : tu me dis merci. Le lendemain je fais des boucles dans tes cheveux. Les jeunes viennent : leurs projets de vie devant toi me font mal. Je te lis le petit prince. Mercredi 11 mai : tu te présentes droit comme un piquet, » la voyante » te donne le traitement mais elle est un peu longue, alors tu piques du nez. Jeudi 12 mai : pleine forme : l’effet du médicament ; tu ris, souris, parles. Dimanche 15 mai : tu nous échappes. Une infection urinaire s’ajoute à tes douleurs et ne te quittera plus ; tu prends ma main et la portes sur ton ventre. Mercredi 18 mai : je finis le petit prince. Ton amie est en stage : elle te téléphone et tu ne peux pas lui parler, tu t’endors avec l’appareil que tu ne veux pas lâcher. Jeudi 19 mai : Laé. revient, tu te mets dans ses bras. Sylvie te donne une petite vierge et te lit une prière. Vendredi 20 mai : Je demande une perfusion la nuit pour t’hydrater, combattre la fièvre, te faire boire est devenu un calvaire : le médecin ne veut pas et me dit : tu ne vas pas couper le cordon ? Continue. Je le trouve inhumain. Samedi 21 mai ; ton cœur bat à 150 : je téléphone à un médecin qui consulte : il change d’antibiotique. Dimanche 22 mai : je reste auprès de toi, ta sœur s’éloigne, elle ne supporte pas ta souffrance, la vie continue pour eux ; même à table on dirait que Bastien dans son fauteuil est une plante posée. Je décide qu’au prochain repas je mettrai Bastien au milieu, pas en bout. Tu entends tout mais ne dis rien. J’observe, les toux, hoquets, fausses routes. Ton visage est moribond je le vois. Mais tu restes conscient : si tu te salis, tu sais te manifester pour que l’on te nettoie. Les prises de sang se font avec difficulté, se perdent, n’arrivent pas au bon service, je galère, téléphone encore et toujours. Toulouse pourtant n’est qu’à cent kilomètres mais le dimanche il n’y a personne nulle part. Mercredi 25 mai : en route (après avoir vomi) pour le traitement ; je crois que tu ne veux pas y aller : Ton père m’accompagne, » la voyante » donne son accord mais n’y croit plus. Il me semble que dans l’ambulance tu as peur. Tu tournes la tête d’un côté, de l’autre comme si tu voyais des choses. Je te parle doucement. Fabien ton copain de fac, co-locataire passe ; et te rappelle que pour ton premier match tu lui as mis un carton jaune, et que la fausse cheminée de l’appartement était devenue une cage de foot pour ballon en papier. Tu ris ce sera la dernière fois. Vendredi 27 mai. Dans deux jours, c’est la fête des mères : tu seras avec moi. Je le clame haut et fort, j’en suis heureuse. Pourtant aujourd’hui, sera ton dernier jour. Tu te réveilles vers 6 heures, déjeunes un peu, puis vers 11 heures tout change et bascule. Tes yeux sont grands ouverts et nous regardent sans nous voir, ils s’agitent. Ton cœur bat des records : 150, 160. Je vais encore chercher le médecin : « je passerais à 20 heures, répond-il. Pas plus tôt ? -Là, c’est midi et je dois être au cabinet à 13 heures. Bien sûr, et tu dois manger et ne pas être en retard pour les ordonnances du mois, N’est-ce pas ? La Docteur voisine (50 mètres) est à son cabinet : « appuyez sur les paupières pour faire baisser les palpitations ». Le troisième ne répond pas non plus à son domicile. Le Samu vient, quel bruit, le chauffeur ressemble à « Rambo » ; tu es là, dois percevoir cette agitation. Je ne veux pas te faire hospitaliser ; alors un ami va mettre 3 heures avant de trouver et ramener le calmant pour la perfusion, j’y crois encore. Je porte sur ma joue, le tout petit bisou que tu m’as offert ce matin, léger comme une plume, et je me souviens du poème de la fête des mères : « Moi, je connais quelque chose qui ne s’use jamais. C’est le baiser qu’une maman reçoit de son enfant ». La prise de sang, plusieurs fois ratée, est très perturbée ; toujours l’infection urinaire dit le labo. Je me dis c’est rien, il suffit d’hydrater et voilà. Je me souviens aussi qu’un jour, un petit chat a traversé la route. Il est mort sous les roues du camion du laitier. Quand je l’ai pris dans mes bras, je n’y croyais pas, seul un œil pendait ; j’ai alors pensé que c’était rien, qu’on pouvait vivre avec un œil. La morphine arrive à 21 heures ; je place le patch ; je pense que tu sais que c’est grave. Tu ne dors toujours pas ; tout le monde est revenu à la maison ; A un moment nous sommes tous les cinq autour de ton lit et quelqu’un dit : « vous avez vus, nous sommes cinq quelqu’un répond oui comme les cinq doigts de la main. Puis chacun va dormir dans son coin ; Ton père a même pris quelque chose pour se reposer. Je reste seule avec toi et doit toutes les quatre heures changer la perfusion. J’ai peur de la pompe qui règle ces perfusions, l’alarme est forte et cela va te faire peur. Je me mets contre toi ; un bras sous ta tête, une main sur ta poitrine. Parfois je ne résiste pas au sommeil ; toi, tu le trouves vers une heure du matin. Enfin ! Tu ronfles, je souris parce que tu n’aimes pas cela, ronfler. Je regarde l’heure : 4 heures et l’alarme n’a toujours pas sonné. 4h 50, elle se déclenche, je fais le tour du lit, allume la veilleuse pour changer le produit ; je te regarde, ton cœur s’est arrêté de battre. Je te fais le bouche à bouche, tu es chaud ; trois fois et puis je comprends que ce n’est plus la peine. Je monte et réveille tout le monde. Je téléphone à Francine et à la voisine coiffeuse, Karine qui est aide-soignante. Nous t’habillons avec douceur ; merci de m’épauler dans le silence et la tendresse. 28 mai 2011 Nous sommes le 28 mai 2011, tu viens de t’envoler, et je t’aime à jamais. Sur tes jolis habits, nous te mettons, l’écharpe bleue de ton amie, la rouge de ta sœur, la blanche et noire de ton frère ; dans tes poches un caillou pour faire des ricochets, une de mes bagues, le nez de clown, l’éléphant rose de Yann, des coquillages que te glisse Florent. Et sur ta poitrine, le petit prince, et les enfants magiques ; vieux livre d’enfant que vous aimiez : c’est l’histoire, d’une maman indienne qui attend un enfant : par tradition, elle dépose, pour connaître le sexe de l’enfant, près de la rivière un bilboquet (pour une fille), et un arc (pour un garçon). Lorsqu’elle revient au bord de l’eau les deux objets ont disparus et bientôt naîtra un petit garçon et une petite fille. Nous dormirons encore deux nuits avec toi, ton père et moi. Nous te caressons les cheveux, te parlons. Le lundi, sous la pluie, l’orage, l’arc en ciel, l’éclaircie, le son du saxo de Florent nous te mettons dans le caveau de tes grands-parents dans un cercueil blanc, accompagnés d’un monde considérable que je ne voies pas. Notre deuil, mon deuil commence. C’est une explosion de désespoir. Le tsunami. Nous ne serons plus jamais cinq, cinq comme les doigts d’une main ; cette famille que nous avions bâtie, n’existe plus, effacée, balayée. Nos différences font que la perte de Bastien nous déstabilise, nous nous recroquevillons dans notre douleur et elle devient imperméable aux autres. Seul ton père et moi nous partageons une souffrance assez semblable, la souffrance d’avoir perdu un enfant. J’oublie tout, y compris que j’ai encore deux enfants. Je ne suis qu’un corps ouvert, un cœur déchiré, comme si j’étais sur une table d’opération. Et je dors, seule, dans le silence de la chambre, sur le lit de Bastien ; dans mes bras son coussin et son « canard sauvage » petit ourson de son enfance. Je ne me lave même plus où très peu, je ne m’habille pas : j’enfile un vêtement par dessus le pyjama, et ajuste des lunettes noires en permanence. Tout le monde a très vite repris vie de travailleur, et moi je me retrouve avec le vide, au bord du vide. J’ai tout jeté : les couches, les médicaments, les compléments alimentaires (il en reste un dans le buffet, je le sais), les grosses pailles que l’on coupait dans les sondes (il y a en au moins trois dans le tiroir à couvert et une que j’ai retrouvé dans le jardin). J’ai acheté des pots, des grands, des ronds, des en vague, tous les mêmes et j’ai commencé sur ta tombe, ton jardin de fleurs. J’ai des courbatures comme si on m’avait battu longtemps. Je ne peux pas tenir plus de cinq ou six heures debout dans la journée ; je ne dors pas ; je ne suis que cris et pleurs. Seules les bulles de ton père m’apaisent. Je vais chez le psychiatre : les médicaments font leur travail. Les amies passent, téléphonent, je ne vois plus mes parents et je ne m’aperçois pas qu’ils ne viennent pas non plus. Je pense à ta souffrance de ce dernier vendredi, au samedi .J’ai une horloge dans la tête qui me rappelle ce moment où la pompe a sonné, où tu n’as plus respiré. Et si j’avais éteint la pompe avant qu’elle ne se déclenche…Je ne mange pas, je suis assise près de toi, de ton corps, je vais te chercher. Je vais chercher longtemps dans les évangiles qu’une religieuse me conseille de lire, dans la Vie et mort des Tibétains ; mais je ne vois pas ce que je lis, je ne comprends pas non plus, je suis incapable de conduire en dehors d’un certain périmètre. Martine, du bureau de tabac me dit, »pousse » ! De temps en temps je vais sur la place, et me fait consoler par les uns ou les autres. Je veux partir avec toi. Je regarde les nuages qui font des dessins, les arcs en ciel après la pluie, les gens qui passent dans le cimetière et me disent bonjour, le gardien à qui je vais contester ces affreuses sonneries, et qui m’enferme régulièrement. Je ne ferme plus aucun volet ; je ne veux pas te laisser dehors, dans le vent, puis dans le froid qui viendra vite et longtemps. Je reçois comme des messages les papillons, la lune pleine, les étoiles. Je revois ta sépulture à travers la vidéo que Yannis a faite : la musique déchirante du saxo de Florent, les pleurs de Fabien, les pétales de roses sur ton cercueil blanc. Les employés des pompes funèbres qui te portent, te mettent sur leurs épaules et disent : « Messieurs, à l’honneur ! » Je porte la robe que Yann m’a offerte pour la fête des mères, le collier de ta sœur, je ne sais pas comment je me suis habillée , je revois tous ces gens sous la pluie dans le jardin, sous ton arbre, dans la maison où il y a un diaporama, de la musique que tu aimes et que Yann t’a choisi, le défilé un par un des personnes : je suis assise près de toi, je serre des mains, embrasse mais je ne sais plus qui. Laé est là, ton père aussi ; j’apprends plus tard que Yann fait le guide : Collège, école, parents, conseil général, foot, l’entreprise où tu travaillais…En haut, je crois que Stella, et Ben offrent du café ; je ne sais pas où est ta jumelle. Je vais très vite transformer le studio : le décorer comme ton appartement à Castelnaudary : ajouter vos livres d’enfants, tes derniers CD, le globe lumineux que Jeannot ton grand père t’avait offert, la boule de cristal, l’éphéméride qui est arrêté au 28 mai et qui montre une pyramide Maya : celle là même où ces derniers ont inventé le premier stade de foot et les matchs : les perdants étant sacrifiés. J’ai rangé tes habits dans l’armoire : on les met souvent en y faisant très attention, ne pas les abimer, les conserver toujours. J’ai mis dans des boîtes tout le courrier reçu que je ne relirai pas, pas encore. Ton album photos, celles que l’on collait sur tous les murs de l’hôpital, de la clinique du sud. Les chocolats que t’avait offerts Emilie. Ta brosse à dents est toujours à sa place, une petite cuillère bleue, tes parfums, la bouteille de fleur d’oranger. Je fais toutes les démarches administratives : c’est dur, mais les gens sont dans l’empathie, les amies m’accompagnent : la mairie, la banque, le notaire, oui le notaire ; tu avais mis beaucoup d’argent de côté, placé dans différents comptes, ceux qui rapportent, prévoyant toujours. L’administration petit à petit t’efface de la surface de la terre : il faut rendre tes cartes, chéquiers ; je triche, j’en garde ; on ne peut pas tout prendre de toi. Dans la maison, j’établis des rites, lire une pensée quotidienne, la bougie du matin, celle du soir qui m’endort, ouvrir et fermer le studio, te dire bonjour, bonsoir chaque jour. Ton absence est insupportable : ne plus te voir, te toucher, te sentir, mettre mes mains dans tes cheveux, ne plus entendre tes mots qui font rire, ta voix. Je ne retrouve pas ta vraie voix, celle d’avant la maladie ; juste je l’ai sur ton portable que j’ai réussie à enregistrer : dix secondes de toi : bonjour, vous êtes sur le portable de Bastien B. J’ai mis des photos de toi, partout : petit, grand, en bonne santé, heureux, malade, elles sont là, tout près. Yann passe au cimetière, ta sœur une seule fois : elle t’apporte des fraises et bananes bonbons qu’elle glisse dans les vases. Chacun sa manière, chacun sa douleur. Je dors mieux avec les médicaments : Mischka, la chatte se couche tous les soirs sur moi comme elle faisait avec toi. Ton père s’endort dans ton fauteuil avec les bulles proches de lui et l’harmonica que je lui offre à Noël. Mes pleurs doivent te gêner, je ne le fais pas exprès, en tous cas ces larmes pourraient remplir une mer asséchée. Elles me fatiguent. J’ai perdu mes dents : neuf ; cela n’aide pas à manger même avec un dentier de personnes âgées. Un mois, deux, trois, c’est de plus en plus insupportable. Je vais sur le site : traverser le deuil. Parfois je téléphone au point écoute. Ton père est en vacances, nous partons quatre jours dans les Alpes : je dors, cela ne dérange personne, je vois aussi les beaux papillons bleus et visite le cimetière de Landry, au loin le Mont Blanc. Septembre 2011 Je me sens toujours incapable de reprendre le travail : le bruit, la fatigue, les adolescents qui arrivent par groupe, la responsabilité, la prévention dont ils n’ont rien à faire, les Bastien que je rencontrerai, les maux de tête qui n’en sont pas, les vrais que je ne verrai pas, je n’y crois plus, la responsabilité, les parents. Non, ce métier que j’aimais je n’en veux plus ; Septembre , c’est aussi le début du tai-chi avec Jean-Marie ; les gestes beaux, le silence, l’aide des Marie, Christine, Georgette, Fanchon , penser aux mouvements, aux jambes, aux mains, l’esprit se pose sur les formes, ailleurs que sur la douleur, le silence de la méditation mais la présence des autres ; peu à peu leur propre fêlure : la mort d’un petit, d’un frère, tout est là dans ce groupe ; je me surprends à me doucher, préparer mes affaires, avancer ; merci à Anne de me servir de chauffeur. Aller plus loin avec eux. Le reste de la semaine je comble ; entre les pleurs, je trouve l’énergie d’accomplir ce que je dois faire ; aller à Paris, porter quatre mille euros et visiter l’institut de la moelle épinière, aller sur les sites de « traverser le deuil », celui de Michel Esnault ; gfme ; interpeller M. Sarkozy him-self en pyjama ou presque avec Nuka pour encourager les chercheurs, qui n’ont que des contrats éphémères ; faire le téléthon et faire parler des glioblastomes. Je dors, je vis dans le silence, je ne fais plus à manger dans toutes ces jolies verrines de couleurs et de saveurs différentes ; je ne regarde toujours pas la télévision, je ne vais pas au cinéma, mais j’arrive à entrer dans les magasins pour accompagner Paulette, vite pendant que Marcel attend à la voiture. Michka la chatte ronronne sur moi, ton coussin, ton canard sauvage contre moi ; Je vais au cimetière chaque jour, je te lis le petit prince, les « étoiles noires » les évangiles, maintenant, « le père Brune » et la transcommunication avec les défunts, Philippe Ragueneau, je lis sans tout comprendre tout de que je peux ; Les cimetières sont vides. Martine est partie aussi, elle n’a pas pu pousser assez fort elle aussi. Mais je fleuris ta tombe. Elle doit ressembler à un soleil car c’est là où ton corps si fatigué repose ; J’écris dans l’agenda les remarques du jour ; les papillons (âme des humains) les myosotis « souviens toi de moi », les plumes d’ange, les fleurs que je retrouve près de toi et dans lesquelles je vois les signes de ta présence. Les gens qui passent ; ce vieux monsieur qui met une heure et demi à faire le tour de ses défunts, cette dame qui a perdu son fils il y a12 ans d’un accident de moto ; je penserai au vôtre, il s’appelle Bastien, le mien Jérôme répond elle ; cela ne passe jamais en dit elle en me montrant son cou qu’elle serre. Les gardiens me disent bonsoir tous les jours, des fois le portail se ferme je suis toujours à l’intérieur, je dis rien jusqu’à qu’il me voit et je reviens le lendemain. Rien ne soulage la douleur, si ce n’est les médicaments qui me font dormir ; parfois je hurle dans ta voiture et pleure ; les pleurs me fatiguent, les courbatures reviennent ; je suis écorchée vive. Je rêve peu de toi : la première fois : on allait à la Timone à Marseille : je te portais depuis la gare ; des blouses blanches s’approchaient, un médecin tâtait ta nuque et qui disait que ta tumeur était partie, mais devant l’IRM, allongé avant d’entrer dans le tunnel, tu as dis : « laisses-moi m’échapper » ; deux fois j’ai dit non la première fois, tu me l’as répété et je n’ai pas répondu. Michka m’est passée dessus pour me réveiller : j’ai encore raté le coche ; avec toi un mot c’est un mot ; tu ne laisses pas de place au hasard, je n’ai plus entendu ta voix. J’ai fait deux autres rêves : tu avais une dizaine d’années et tu tournais le dos ; tu donnais la main à une jeune fille et tu t’éloignais sur le chemin. Cette nuit je me suis réveillée vers 23 heures. Il y a un an tu ne dormais pas encore mais tu étais comme d’habitude calme, je suis allé arroser le jardin, tu voulais qu’il soit beau, je me suis réveillée à six heures, tu étais déjà parti. Nous étions cinq, oui comme les doigts d’une main. Tu as ouvert le chemin, en attendant fais-moi signe si tu veux, mon ange, je t’écoute, je suis là tout près. 28 mai 2011, 7h55. REVOIR LA PAGE PRECEDENTE |
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