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Au-delà de l'extrémité de la route

Chapitre 7 : Retour à la maison

Le matin suivant, Tom m'a raconté le rêve qu'il avait eu dans la nuit. "Je faisais du Kayak avec deux autres personnes dans une eau très vive. Je remontais le courant, mais les deux autres personnes traînaient derrière. Je ramais à fond comme tout le monde. Parfois l'un de nous, derrière, tombait dans un remous, puis un autre, mais nous continuions à lutter devant. Enfin nous sommes arrivés après cet effort à un endroit vraiment calme et paisible." Joanne était arrivée à l'hôpital dès le matin, elle s'est mise à rougir devant Tom déshabillé. Je ne vous avais jamais vu sans vêtements, Tom, c'est un régal. Joanne et Tom aimaient bien discuter des choses du sexe sur le ton de la plaisanterie. Joanne a apporté un sac contenant des livres et des bandes dessinées. Elle nous a donné un livre sur la voyance et un autre qui traitait du cartilage de requin, des bd de méditation, et d'autres publications de la même inspiration.. Elle nous a également donné un article récent sur les tumeurs de cerveau, un traitement expérimental très controversé que quelques médecins à New York essayaient sur le glioblastome.

Pendant que Joanne et Tom parlaient, j'ai jeté un petit coup d'œil sur ce qu'elle nous avait apporté. Je me suis arrêté sur une ligne dans l'article sur les tumeurs : "Seulement un ou deux pour cent des patients survivent avec les traitements conventionnels. Je n'en ai pas lu plus, j'ai pris l'article et je l'ai glissé au plus profond du sac. Tom était allé se regarder le visage dans le miroir. Joanne lui a demandé ce qu'il pensait. "Bien, c'est dur à avaler" a-t-il déclaré. Ne croyez pas que ce soit aussi facile pour moi de vivre sans Jérôme. Joanne a répondu avec force, "Non ! Vous êtes fort, vous avez une chance, vous serez ma deuxième chance. Jérôme n'a pas eu de courage, il s'est laissé aller. C'est un fait que certains le font, d'autres n'en ont pas l'envie. Vous avez tout pour vous en sortir, des ressources que Jérôme n'avait pas."

"Vraiment ? " a demandé Tom qui recherchait plus d'encouragements. "Oui Jérôme était une personne merveilleuse que j'ai adoré, mais il n'avait aucune force mentale. Je pense que la force mentale peut vraiment vous aider. Tom, vous êtes une personne spirituelle et je sais que vous emploierez tout pour cela, il y a une grande différence avec Jérôme. Et puis vous êtes jeune, en bonne santé, vous êtes fort, vous avez des raisons de vivre, et vous avez aussi des ressources. Si quelqu'un peut le faire, c'est bien vous. " "Vous le pensez vraiment ? " "Oui, je le pense. Je vous aime tous les deux avec Mary Catherine, et je donnerais n'importe quoi pour voir votre guérison. Et puis rappelez-vous, Jérôme a été diagnostiqué il y a trois ans et il a y eu beaucoup de recherches depuis. On propose de nouveaux traitements tous les jours. Nous avons demandé à Joanne de nous expliquer comment cela s'était passé pour Jérôme. Après la chirurgie au début 1992, Jérôme a été inscrit dans une épreuve clinique à l'hôpital John's Hopkins, il a reçu un traitement expérimental de rayonnement et de chimiothérapie en même temps. Il a alors vécu une vie quasi normale pendant un an. Après treize mois de stabilité, son IRM a montré une récidive de la tumeur, plusieurs petites taches dispersées dans son cerveau. Nous étions au début de 1993. Jérôme a encore eu de la chimiothérapie pendant quelque temps, et alors Je l'ai emmené à la clinique de Mayo pour un autre traitement expérimental. Mais, les médecins m'ont appris que Jérôme ne réagissait pas au traitement et il n'y avait plus rien à faire. Jérôme est mort à la fin de 1993, juste un peu moins de deux ans après le diagnostic..

Joanne a ajouté que certains faisaient mieux que Jérôme ; elle a dit que quelques rare personnes dans la même épreuve clinique à Hopkins étaient toujours vivantes ou probablement encore vivantes au décès de Jérôme. Joanne nous a donné le nom du docteur de l'hôpital John's Hopkins qui avait traité Jérôme. Avant que Joanne ne parte, nous sommes allées déjeuner ensemble. J'étais silencieuse et tendue, et puis j'ai éclaté, libérant toutes mes inquiétudes. Que vais-je faire si Tom devient très malade, débile ? Comment est-ce que je pourrais le soutenir ? S'il meurt, ma vie n'a plus de sens, je ne survivrai pas. Joanne m'a rassuré que tout ce qui m'inquiétait, la panique étaient tout à fait normale. Elle m'a dit que, "vous pouvez le faire. Je vous promets ! Regarde-moi., cela a été dur mais je l'ai fait, et je n'ai pas aimé Jérôme moins que vous Tom. " Joanne s'était donné le rôle d'être mon ange gardien dans ma vie. Elle m'avait aidé des années plus tôt, quand ma mère était mourante et qu'avec Tom nous vivions ces douloureuses séparations. J'avais pensé que je n'aurais plus besoin d'elle. Maintenant j'ai accepte que des gens suivent dans la vie leur passion, pour Tom, la musique, il est inutile de chercher à la combattre. J'ai comme cela fini par accepter Joanne comme mon ange gardien. Comme nous approchions du soir, je suis allé rencontrer les parents d'Ann et de Tom, pour les présenter au Dr. Morris. Il était l'heure de la réunion de famille. Je suis revenu à la chambre de Tom tandis que sa famille allait dans une salle de réunion avec Dr. Morris. Après une heure le Dr. Morris est revenu nous voir pour nous donner une autre nouvelle. "Nous avons obtenu le rapport définitif et c'est bien ce que nous supposions, un grade 4. Tom devrait commencer un traitement dans deux semaines. Nous allons accélérer le rendez vous avec le Dr. Isaacoff; c'est un grand spécialiste, son fils a eu un glioblastome. Je l'ai déjà appelé à son bureau pour lui parler de vous. Je lui ai dit que vous étiez une personne très gentille, le genre de personne qu'on voudrait avoir comme ami."

Tom a indiqué que le Dr. Morris était prêt à faire le traitement suivant, qu'il se sentait bien après la chirurgie, et qu'il était prêt à combattre. Le Dr. Morris m'a alors accompagnée vers le hall. Le Dr. Morris m'a dit qu'il avait rencontré la famille de Tom mais qu'il avait voulu également me parler. "Cela va devenir dur" a-t-il déclaré avec le rayonnement et la chimiothérapie. "Vous allez aussi avoir besoin d'appuis. S'il y a quelque chose je puisse faire, je suis ici" a-t-il précisé. Le Dr. Morris m'a ensuite lancé un regard embarrassé, et a déclaré "La réunion avec la famille de Tom s'est bien passée, ils ont appris les nouvelles comme c'est prévu. " "Qu'est-ce que vous leur avez dit ? " ai-je demandé. "Je leur ai dit que la chirurgie avait bien marché et que la tumeur de Tom était une catégorie 4 sur une échelle de 1 à 4, et qu'il aurait besoin de traitements complémentaires comprenant le rayonnement et la chimiothérapie."

"Leur avez-vous dit la gravité de sa tumeur, leur avez-vous donné les statistiques de survie ? " "Ils ne me les ont pas demandées" a-t-il répondu. "Ne le leur dites pas à moins qu'ils insistent, ils ne doivent pas savoir". Les infirmières m'ont indiqué que Tom pouvait rentrer à la maison aujourd'hui mais que le Dr Mancini devait signer l'autorisation de sortir. Le Dr. Mancini est finalement arrivé à environ à 19h30. Quand il est entré, Tom et moi étions en train de nous reposer ensemble en pleurant. Le Dr. Mancini a fait un examen rapide sur Tom et il allait repartir quand je lui ai demandé si Tom pourrait rentrer chez lui. Le visage de Mancini a changé, il est devenu agréable."Vous voulez rentrer à la maison, maintenant, ce soir ? " . Pourquoi pas a-t-il ajouté. J'ai ajouté que Tom serait mieux à la maison, avec notre chien Owsley. Le Dr. Mancini nous a dit qu'il avait un Doberman qu'il avait recueilli car son maître ne pouvait plus s'en occuper. L'ambulance nous a ramené à la maison. Tom pouvait marcher seul, mais les règles de l'hôpital étaient strictes et obligent tous les patients à quitter l'hôpital en fauteuil roulant. Tom s'est installé dans le fauteuil roulant, je lui ai mis une grande veste et un bonnet de ski sur la tête pour cacher les endroits où il n'avait plus de cheveux enlevés pour la chirurgie. Il était ainsi empaqueté comme un bébé. Je l'ai regardé et j'ai pensé "Mon dieu, il y a trois jours ils lui ont scié le cuir chevelu, lui ont enlevé un morceau de crâne, lui ont creusé dans son cerveau, lui qui est si fragile".

Le voyage de l'hôpital à la maison était triste, à chaque bosse de la route, on avait l'impression qu'on cognait son pauvre crâne et cela l'énervait. J'observais les voitures qui nous dépassaient, des gens qui rentraient de leur travail ou qui sortaient pour dîner peut-être. Nous étions un vendredi soir et il faisait nuit. J'ai pensé , " Il y a deux semaines, c'était moi et Tom dans une de ces voitures".