14/01/2019
GFME, lettre de l'ARTC 12/20
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La lettre de l'ARTC, décembre 2018

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Dr Elisabeth Cohen
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Professeur COHEN-MOYAL Elisabeth Toulouse

RADIOTHERAPIE ET RADIORESISTANCE
ELISABETH COHEN-]0NATHAN MOYAL est professeur en oncologie-radiothérapie et dirige une équipe de recherche lnserm au sein de l’UMR 1037 ainsi que le département de Radiothérapie du pole de recherche hospitalo universitaire en cancérologie de Toulouse. Ses travaux portent sur la radiorésistance des gliomes et les moyens de Ia contrer.

Pourquoi étudier la radiorésistance ?
Les gliomes de haut grade et en particulier Ies glioblastomes sont des tumeurs qui présentent un risque de récidive très élevé. Dans 80 % des cas, la récidive survient dans Ia territoires d'irradiation témoignant d’une résistance aux rayons. Je coordonne une équipe lnserm qui est dédiée a l’étude de ces mécanismes. Nous tentons de comprendre pourquoi les gliomes vont récidiver, et essayons d'élucider Ies mécanismes par lesquels les cellules tumorales résistent a la radiothérapie. Il y a deux grands axes : le premier est |'étude des mécanismes de radiorésistance intrinsèque ; en d’autres termes, quels sont Ies mécanismes moléculaires intracellulaires actifs avant traitement qui sont impliques dans cette résistance à la radiothérapie ? Nous étudions en particulier des gènes ou des protéines qui contrôlent l'environnement de la tumeur, l'angiogenèse (processus de production des vaisseaux). La migration des cellules tumorales peut contribuer également a la résistance des cellules tumorales a la radiothérapie. Un deuxième axe est l’étude des mécanismes de resistance tumorale induits par la radiothérapie et pouvant aboutir à des phénomènes d'échappement d'efficacité de la radiothérapie, en particulier des phénomènes de plasticité cellulaire, comme la dédifférenciation ou la migration radio induite pouvant expliquer des récidives hors champ d'irradiation. En perspective, ce sont de futurs traitements contrant ces mécanismes susceptibles d'améliorer l’efficacité de la radiothérapie que nous espérons trouver.

Quelle est la nature de vos travaux ?

Nous avons montré il y a plusieurs années que le FGF-2, facteur angiogénique capable de stimuler la production des vaisseaux permettant de nourrir la tumeur, était également un facteur de radiorésistance. Plus récemment, nous avons montré que le récepteur de ce FGF-2, le FGFR-1 exprime a la surface des cellules de glioblastomes, était un facteur clé de la radiorésistance des glioblastomes. Ce récepteur contrôle non seulement la radiorésistance des cellules de glioblastomes mais également celle de certaines cellules, dites "cellules souches“ qui, au sein des glioblastomes, sont Ies plus radiorésistances et chimiorésistances. Ainsi, lorsqu‘on bloque l‘activation de la voie qui dépend du récepteur FGFR-1, on augmente du même coup la sensibilité des cellules tumorales aux rayons. Fait intéressant, Ies résultats de nos expériences au laboratoire semblent corrobores par Ies études cliniques que nous avons réalisées chez nos patients, montrant que ceux qui souffrent d’un glioblastome qui surexprime le FGFR-1 ont un pronostic plus défavorable. Le récepteur FGFR-1 et toute la voie biologique qu’il dirige constituent donc une cible prometteuse pour de nouveaux traitements

Quelle est votre stratégie pour développer un traitement ?
Lorsque sont mises en évidence des cibles dignes d'intérêt, nous cherchons des inhibiteurs pharmacologiques, des médicaments qui vont inhiber cette cible et nous voyons si cela augmente l'efficacité de la radiothérapie. Une fois que l'on a fait cela in vitro, c’est-a-dire sur des cellules en culture, et in vivo, sur des souris, confirmant l’activité du traitement, nous pouvons commencer des essais cliniques chez Ies patients.  Nous faisons de la recherche en transfert, dite translationnelle, c'est-é-dire qu’une fois la preuve du concept faite au labo, nous développons des essais cliniques basés sur nos résultats précliniques. Sur cette voie du FGFR, nous avions déjà un premier travail concluant avec une société pharmaceutique, mais le premier médicament inhibiteur teste n’a pas pu aboutir en clinique. Aujourd'hui, nous débutons un projet avec un laboratoire qui dispose d’un médicament inhibiteur du FGFR-1 prêt pour être évalue en clinique. Nous allons d’abord confirmer son activité au laboratoire dans Ies glioblastomes, puis, si ces résultats sont probants, l'objectif sera de commencer un nouvel essai clinique chez les patients, combinant la radiothérapie a ces inhibiteurs. D‘autres cibles prometteuses sont en cours de validation au laboratoire.

Comment mettre en évidence de nouvelles cibles thérapeutiques ?

Afin de mieux comprendre et étudier ces mécanismes de résistance, tous nos essais cliniques sont associes à des études biologiques de facteurs prédictifs de réponse ainsi que de |'imagerie multimodale. Nous travaillons depuis plusieurs années sur ce que |’on appelle l’hétérogénéité tumorale. Nous nous sommes aperçus, lors d’un essai clinique antérieur, que quand nous suivions nos patients par IRM spectroscopique, une technique qui permet d’analyser l’activité métabolique dans les différentes régions d’une tumeur et d’établir une cartographie d’activité, il était possible de prévoir le site ou la rechute pouvait intervenir. Ces zones les plus actives, dites  hyper métaboliques, prédisant l’endroit de la rechute, nous avons émis l’hypothèse qu'elles étaient enrichies en cellules les plus agressives et les plus résistantes a la radiothérapie. Nous avons mis en place un nouvel essai clinique dans lequel le chirurgien peut donc prendre en compte la cartographie métabolique spectrale, pour choisir les sièges des prélèvements au sein de la tumeur, en pratique trois a quatre prélèvements par patient. Ces prélèvements sont envoyés a mon laboratoire qui analyse la proportion de cellules souches tumorales dans ces zones métaboliquement actives par rapport aux autres zones tumorales, ainsi que leur profil de radiorésistance et les études génomiques correspondent à chaque prélèvement. C'est un travail de longue haleine, qui donne des résultats très intéressants que nous comptons corréler a la réponse clinique des patients. L'objectif est de mettre en évidence dans ces prélèvements précieux et informatifs de nouvelles cibles thérapeutiques. La mise en évidence de nouvelles cibles, que nous validerons ensuite au laboratoire, nous permettra, en travaillant avec des partenaires industriels, de rechercher des médicaments capables d'inhiber les voies de signalisation que nous aurons mises en en évidence.

Pourra-t-on prévoir Ia récidive ?
Nous avons constitue un consortium national avec plusieurs équipes de recherche (mathématiciens, biologistes, spécialistes en imagerie) afin de modéliser sur le plan mathématique la croissance tumorale, le type de récidive et le siège de la rechute d’une tumeur âpres traitement. Cela permettra, je l’espère, d'anticiper et d'adapter le traitement de façon individuelle, et de traiter au mieux les patients.

 

 

Huillard

La chercheuse HUILLARD Emmanuelle ICM

EMMANUELLE HUILLARD est chercheuse à l’lnstitut du cerveau et de la moelle à l’hôpital Pitié-Salpêtrière. Elle est Chef d’équipe et son thème de recherche est intitulé : Mécanismes cellulaires et moléculaires dans le développement des gliomes. Elle étudie plus particulièrement les oligoclendrogliomes, qui au sein des tumeurs gliales sont des tumeurs de meilleur pronostic et pour lesquels les mécanismes qui interviennent clans leur développement restent a éclaircir.

Pour bien comprendre ce mécanisme : cliquez ici

En quoi la biologie peut-elle aider la recherche sur les tumeurs cérébrales ?
Notre équipe cherche e comprendre comment ces tumeurs dites de has grade progressent vers la malignité. Je suis neurobiologiste du développement, je m'intéresse aux parallèles qui existent entre le développement normal du tissu nerveux et la tumorigenèse de ce même tissu, c‘est-a-dire les étapes qui mènent a la formation d’une tumeur. Parce que nous savons que les processus qui interviennent dans le développement d'une tumeur sont des mécanismes qui existent au cours du développement des tissus, c‘est-a-dire dans leur croissance et leur différenciation, et qui sont juste réactives par la tumeur. Nous avons une approche dite << déloppementale», nous regardons ce que fait un gène retrouvé de manière fréquente clans les oligodendrogliomes (une tumeur de has grade). Nous travaillons sur deux gènes en particulier, qui sont mutes de manière fréquente : les gènes CIC et TCF12, et pour ces deux gènes, nous essayons de comprendre quelle est la fonction clé de ces mutations dans des cellules normales du cerveau et en particulier dans les cellules gliales, dans les précurseurs d‘oligodendrocytes qui sont les cellules qui prolifèrent de manière excessive dans Ies oligodendrogliomes. On appelle cela les cellules d'origine parce qu‘elles sont à l'origine de ce type de tumeurs. Ces précurseurs prolifèrent de manière aberrante et nous partons du postulat que les mécanismes moléculaires impliqués dans cette prolifération anormale sont des mécanismes qui existent au cours du développement normal de ces cellules.

Comprend-on mieux la tumorigenèse ?
Afin de comprendre le rôle de ces mutations, nous allons les introduire clans ces cellules, a des stades bien définis, en utilisant des modèles de souris génétiquement mollies, dites << transgéniques » ; et nous allons observer ce qui se passe une fois que la mutation est introduite. Dans le cas du gene EIC, nous avons fait exprimer une forme mutée de ce facteur clans les précurseurs d’oligodendrocytes, et on se rend compte que cela a un effet sur la prolifération puisque celle-ci est doublée. Ceci suggère que dans les tumeurs qui sont mutées pour le gène EIC, la mutation va favoriser le maintien de ce type cellulaire qui semble capital pour la progression tumorale vers la malignité. Ce que nous voulons comprendre en rajoutant les mutations, soit une par une, soit combinées, c‘est quel est leur effet sur ces cellules en termes de prolifération, de différenciation, quels sont les mécanismes impliqués, quels sont les gènes qui sont actives suite a l’introduction de ces mutations, et si l'on peut trouver des gènes qui vont être sphériquement dérégulés par ces mutations et qui pourraient être des cibles pour un traitement futur. Pour l‘instant, nous ne savons pas comment restaurer la fonction normale du gène CIC, mais nous poursuivons nos recherches.

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